2036, Lycée de River Crow


Je crois que je venais de passer la pire journée de toute mon existence. Je venais de fêter mes seize ans, et aujourd'hui, c'était le jour où je pouvais enfin affronter le monde extérieur. Ce que je n'avais pas calculé était les regards, les rires, les insultes, voir même les moqueries dont  pouvaient faire preuve les adolescents de mon âge. Ce que je n'avais pas calculé, c'était bien le fait que je ne serais jamais comme les autres. Je m'étais caché derrière un masque pour ne pas qu'on puisse voir mes cicatrices. J'avais misé la case de la marginalité. Mais au lieu de ça, ce n'était que des insultes autour de moi. On m'avait surnommé Frankenstein, ou encore Freddy Krueger. On me montrait du doigt, je pouvais le sentir. On me reluquait comme une véritable bête de foire. Ca en devenait douloureux. Douloureux, à l'exception de Madison. Je me revois, là, à moitié caché dans mon casier pour prendre mes médicaments, parlant avec ma nouvelle bande de pote qui me trouvait trop cool. Des gothiques, des types, les futurs membres de mon groupe, qui ne m'ont jamais jugé, et bien au contraire. Je peux encore sentir son parfum fruité, la douceur de ses grands cheveux blonds. Madison était une fille parmi tant d'autre. Ce genre de fille qui a du succès auprès des garçons.

Cette fille, qui pourtant, m'a embrassé deux semaines après mon arrivée au lycée. Je me revois, le cœur palpitant, battant la chamade. Je peux encore sentir la délicatesse de ses mains soulevant mon masque, ses doigts sur ma peau chaude et blafarde. Et sa façon de me demander de la toucher afin de pouvoir la regarder. Madison m'aimait. Et je pense que je l'aimais aussi. Mais pourtant... C'est moi, qui ai fini par me séparer d'elle. Dans l'espoir de la protéger. Ou bien est-ce alors parce que je n'ai jamais eu le courage de me donner à elle, refusant de me mettre à nu devant la perfection qui se dressait devant moi... Cette dispute, unique d'une relation qui a alors durée presque six mois. Les pleure.... Et la réalisation que je ne pourrais jamais me sentir aimer sans avoir peur... Nous étions assis sur ce banc dans le parc du lycée River Crow. Laissant le soleil nous caresser la peau au travers des branches des arbres. Sa main dans la mienne... Et la distance que j'ai pu subitement mettre en nous deux alors qu'elle m'embrassait avec bien trop de vigueur, sa main libre, posée sur ma cuisse, remontant pour venir se réfugier au niveau de mon entre jambe... Jamais, je n'avais eu aussi peur...

" Ez... Qu'est-ce qu'il ne va pas ? Ca fait six mois aujourd'hui qu'on est ensemble. Tu ne pense pas qu'il serait temps pour toi de baisser toutes les barrières ?"
" Je... J'peux pas Mady..."
" Mais pourquoi ? Ezechiel, Bébé, je t'aime comme tu es... Il est temps que tu prennes conscience que moi je te trouve beau. Je t'aime..."
" C'est pas ça le problème... Mais... Je suis pas..."
" Normale ? Zechiel, je t'en prie, ne joue pas à ça avec moi. J'ai envie de toi. J'ai envie de te sentir contre moi. De sentir la chaleur de ta peau quand on dort ensemble et pas ce pyjama que tu porte pour te cacher. T'as pas à avoir peur avec moi."
" T'comprends pas..."
" Mais comprendre quoi ? Fais-moi l'amour merde...J'en peux plus d'attendre. Je suis amoureuse de toi... Tu ne me désires pas..."
" Je t'en prie pleure pas. C'est... pas toi..."
" Alors laisses-moi te guider..."

2036, chambre de Madison.


Je la revois. Là. Sa tête posée sur mes genoux. Ma main, passant délicatement sur son visage que je caressais sans la moindre lassitude. Sans rien. Le dernier album de mon groupe de métal favori passant dans la chaine hifi. Elle savait comment me détendre. Elle savait comment m'apaiser. Dans le fond, Madison était l'une des personnes que me connaissait le mieux sur cette foutue planète. Je pouvais sentir son regard posé sur moi, mais il ne me faisait pas peur et c'était le seul que je supportais. Elle ne parlait pas, mais pourtant je savais qu'elle souriant. Elle était heureuse. Je n'ai jamais compris comment cela était possible, mais je la rendais heureuse. Vraiment heureuse. Elle pouvait sentir que j'avais peur. Mais pourtant, elle restait là, levant une main pour venir effleurer mon visage de ses doigts. Tentant de me dire que ça allait bien se passer. Je savais pourquoi elle m'avait demandé de passer chez elle ce soir là. Je savais ce qu'elle attendait de moi et ce qu'elle avait envie. Elle avait mis du parfum, ce parfum fruité qui me plaisait tant. Sa peau, lisse, mais pourtant un peu crémeux me faisait comprendre qu'elle s'était maquillée. Sa voix c'est alors élevée dans la chambre. Elle s'est mise à murmurer les paroles de la chanson.

Délicatement. Lentement, je l'ai sentie se relever, venant s'assoir sur moi à califourchon. Elle est venue me retirer mon écharpe pour m'embrasser dans le cou, avant de venir s'emparer de mes lèvres. J'étais mort de trouille. Mais je ne voulais pas lui faire de mal. Je ne voulais pas la blesser. Je ne voulais pas revenir sur la discutions que l'on avait eu plus tôt dans la journée dans le parc du lycée. Naturellement mes mains sont venues se poser dans le bas de son dos, une, allant même se réfugier en dessous de son débardeur. A ce geste, elle ne se fit pas prier pour me retirer mon pull, sans pour autant précipiter les choses, et ce n'est qu'en me sentant me décontracter un peu qu'elle m'a poussé en arrière, m'obligeant à m'allonger sur le lit. Je l'ai laissé faire, je l'ai laissé prendre ce qu'elle voulait, me faisant fureur pour ne pas partir en courant. Mais c'est alors qu'elle est venue me détacher mon pantalon, que j'ai senti les battements de mon cœur s'accélérer. Complètement... Au moment où ses lèvres sont venue s'emparer de mon vît. Au moment où... J'ai pu ressentir tout ces frissons envahir mon être et où seul des gémissements de plaisirs ont commencé à sortir d'entre mes lèvres...

Me crispant, j'ai essayé de prendre sur moi. J'ai essayé de me retenir. Mais pourtant. Aussi rapidement que le plaisir était venu s'installer je n'ai pu me retenir. L'orgasme. J'ai compris ce que c'était. J'ai réalisé combien le mot amour avait son importance, et ce que cela voulait dire que de se donner à quelqu'un. Pas une minute plus tard, sans ne pouvoir me contrôler, je suis venu éjaculer dans sa bouche. J'avais tellement honte que je n'ai rien trouvé de mieux à faire que d'attraper mon pull pour me cacher dedans. Mais pourtant, alors qu'elle remontait vers moi j'ai pu entendre son petit rire de malice. Ce genre de rire qui s'échappe dès lors que l'on se sent réellement bien, réellement heureux. Sans ne rien dire elle a venu m'arracher mon pull, le balançant plus loin. Mais ce qu'elle a vu n'était sans doute pas ce qu'elle voulait voir. Les larmes coulant sur mon visage. La honte, je me trouvais juste minable. Je me trouvais juste... pas à la hauteur. Elle est venue essuyer les goutes salées de sa main, à son habitude si délicate. Et encore une fois, je le savais, elle s'apprêtait à me rassurer. Pour ne pas changer. Et cette question qui est alors venue s'infiltrer dans mon crâne. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien trouver. à un homme comme moi. Un garçon qui jamais ne souriait. Un garçon faible, qui avait peur de tout, même de lui-même...

" C'est pas grave tu sais. Moi je sais que je t'ai fait plaisir. C'est le plus important non ? Et la prochaine fois n'en sera que meilleurs. Et puis, tu n'es pas obligé de me faire complètement l'amour pour me satisfaire..."
" Pourquoi t'es avec moi Mady ? J'ai tout faux sur tout. Je suis même pas foutu de te satisfaire. Je suis nul..."
" Zechiel... Mon cœur. T'as donc pas conscience de combien je suis amoureuse de toi ? Je t'aime. C'est suffisant non ?"

J'ai fait non de la tête. J'ai craqué. Fondant en larme. Et sans la moindre douceur je l'ai repoussé, attrapant mes vêtements à la va vite. J'avais tellement honte. Et dans le fond je le savais. Qu'elle méritait mieux que moi. Le lendemain, alors qu'elle est venue m'embrasser, j'ai fait un pas en arrière. Et je l'ai quitté... L'amour. Les sentiments. Le bien être. Je le savais... Je n'étais, et je ne serais jamais fait pour ça...